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calligraphie et poésie arabes

8 novembre 2015

Transmission traditionnelle de maître à élève, 1ère partie

          Il est plus véridique, pour évoquer ce sujet, que je me prenne comme témoin de cette période, car j'ai eu la chance de côtoyer deux générations de maîtres traditionnels et de professeurs d'Art, et parallèlement d'enseigner moi-même très tôt, alors que j'étais encore étudiant aux Beaux Arts, en Enluminures, et professeur à la faculté d'urbanisme. Deux cultures à Bagdad: Ecole et facultés (Droit), et étude avec le maître, qui m'a accordé l'Ijazé  me faisant entrer dans la généalogie des maîtres de l'Ecole de Bagdad. Cette double culture apprentissage/enseignement s'est elle-même doublée d'une double culture orientale et occidentale (docteur en Droit) et d'enseignement aussi bien universitaire que transmission de maître à élève, comme celle que j'ai reçue moi-même.

          Mon histoire avec l'art et la poésie a commencé dès mon plus jeune âge, à Bagdad, où je suis né, héritière de longues traditions d'écriture et foyer de belles calligraphies et paroles. Jamais on n'entrait dans une maison, même modeste, sans y trouver un tableau d'une poésie calligraphiée qui rendait hommage à l'hospitalité des habitants.

          Mais le véritable contact avec la poésie s'est fait surtout dans les lieux publics: marchés, "souk" et cafés où des poètes conteurs composaient spontanément de beaux vers. Je me souviens particulièrement bien d'un homme du peuple contant l'ascension (le Mir'aj) du prophète aux sept cieux, qui, arrivant au quatrième ciel, entendit des crissements et demanda à l'Archange Gabriel qui l'accompagnait ce que c'était. L'Ange lui a répondu qu'il s'agissait des calames des anges chargés de calligraphier les oeuvres terrestres des hommes.

          Je me rappelle aussi le le récit d'un poète ivrogne se promenant sur le marché qui racontait, en faisant allusions à certaines lettres de l'alphabet, qu'arrivant la veille chez lui bien saoul, il lui semblait qu'il calligraphiait avec ses pieds la lettre Lamalif, qui évoque une démarche à la manière de Charlot. J'ai cru croiser un Rabelais oriental.

          De grands poètes, tel Abou Nuwas qui décrit dans un rêve sa bien-aimée, en faisant allusion à la lettre Lamalif: "Je t'ai vue m'enlacer dans mon rêve comme l'Alif enlace le Lam..."

          La rencontre la plus marquante dans ma vie d'artiste, c'est cette assemblée hebdomadaire de poètes, de peintres et de musiciens autour de mon maître Hashem al-Khattat dit El Bagdadi (1917-1973), au moment où je prenais mes cours. Une fois que mon maître était en train de corriger mes lettres, son regard est tombé directement sur un Dal (équivalent d'un D) qui était disproportionné, erreur qui n'a pas échappé à un poète qui en a fait une critique poétique, composant un vers. "Ton dal aurait pu être beau, mais il est vide comme un tambour". Cette anecdote résonne toujours à mes oreilles!

          La complémentarité de ces deux arts donne l'impression qu'il n'y a qu'un calligraphe qui peut pénétrer au coeur de la poésie sans trahir la pensée du poète. Par la calligraphie, l'adage "Traduttore, traditore" est caduc.

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12 septembre 2015

L'Unité de l'expression

Un grand principe de la xconnaissance orientale qui perdure jusqu'à nos jours, de même pour tous les artistes occidentaux qui l'ont mis en application jusqu'à l'invasion de la machine, notamment l'informatique qui prend le pas sur l'exécution manuelle et intellectuelle. Léonard de Vinci, connu en tant que peintre, était surtout un inventeur, ô combien visionnaire, a trouvé des éléments complémentaires formant une unité dans la construction de ce qu'il imaginait, car il s'est basé sur ses observations de la nature et de la science, dont l'anatomie du corps humain (par exemple: ses plans d'hélicoptères rappelant la libellule en vol). Cette image dans le monde réel ne l'a pas éloigné de cette même nature.

La médecine fut un Art, tout comme celui de trouver les bonnes proportions dans la fabrication des remèdes et des onguents (apothicaire qui faisait les remèdes à partir des plantes). C'est le cas d'Ibn Sina, médecin, dont le livre intitulé Al Qanun, qui signifie La loi est exprimé poétiquement. Ce livre , considéré comme une référence dans le monde entier, a été traduit en latin notamment pendant des siècles.

Toutes ces recherches doivent leur existence à l'unité de l'expression. La grammaire a été enseignée poétiquement par Ibn Malik, dont le livre Al-fiya , qui signifie les mille vers, est toujours d'actualité dans l'enseignement de la grammaire arabe.

Il en est de même pour tous les atrs, dont la calligraphie, qui nous intéresse plus particulièrement ici, où tous les grands calligraphes étaient poètes. La plus connue de ces poésies didactiques a été écrite par Ibn Bawab, deuxième pilier de l'Ecole de Bagdad appeléé al-Ra'iya. Voire traduction et illustration.

Comment peut-on imaginer l'Unité de ces expressions, si elle éteit accomplie par une machine.

Les deux arts (poésie et calligraphie) trouvant déjà leur unité, pas seulement dans le sujet, mais aussi dans les objets: la qalame, les papiers, l'encre, les couleurs, etc. Les rimes musicales se marient pour donner naissance à leurs enfants; les lettres de l'alphabet. Ce qui signifie que toutes ces lettres sont à la fois calligraphiées et mises en image.

Les lettres de l'alphabet sont devenues de véritables personnages chez les poètes. Par exemple dans le lam-alif , qui est une lettre elle-même composéee des deux lettres lam et alif qui sont comme l'image de deux amoureux qui s'enlacent.

" Comme je suis jaloux de la letre lam-alif

  Lorsque je les vois s'enlacer;

  On dirait deux amants

  En pleine extase"

Il en est de même pour toutes les autres lettres de l'alphabet. Les plus gtrands mystiques, dont Hallaj, qui a exprimé l'unité divine dans les quatre lettres (en Arabe) du mot Allah la fusion de son âme en Dieu:

"Il y a quatre consonnes dont mon coeur est épris éperdûment, et où s'abîment mes pensées et ma réflexion: un A, qui "attire" les créatures vers l'acte créateur; un L qui m'inflige le blâme [que je mérite], un autre L, qui me blâme encore plus; enfin un H, qui me fait divaguer; as-tu compris?"

 

Moi-même, j'ai consacré deux ouvrages sur la poésie de la lettres:

"Diwan des lettres amoureuses" (editions l'Archange Minotaure)

"Calligraphies de l'alphabet" (en collaboration avec le poète italien Giovanni Dotoli (Edtions Schena Editore, Alain Baudry &Cie)

Ces deux ouvrages parlent de la lettre en tant qu'image dont les illustrations sont le lien entre les deux arts.

 

6 septembre 2015

Tradition et Modernité en calligraphie arabe

Après m'être présenté, entrons dans le vif d'un sujet qui touchent toutes les formes d'expression: art, littérature,etc. La Tradition et la modernité.Il est intéressant de noter que certains mots provoquent un choc, comme :"l'ancien est une chose morte". Nous verrons plus tard que le temps ne crée pas une oeuvre, ce qui explique que, dans l'art oriental, on ne classe pas les créations en classique, moderne, contemporain, dans la mesure où ou la vie d'une oeuvre peut continuer des siècles après la mort de son auteur. Dire d'une oeuvre qu'elle est contemporaine, cela ne désigne pas le temps de sa création, mais plus celui où elle est perçue comme telle. Je vous rassure: la querelle des Anciens et des Modernes ne date pas d'hier!

"Le jour où tu pourras exprimer tout ce que tu penses, les descendants de tes descendants auront eu le temps de vieillir" dit le maîtreau jeune Omar Khayyaâm (futur auteur des Rubâ'iyât) quand celui-ci lui demande s'il lui faudra attendre d'être vieux pour exprimer ce qu'il pense.

Chaplin, dans "Les temps modernes", lie la modernité au productivisme et à l'efficacité. On voit comment ce progrès peut nuire à toute une société. La modernité, après avoir privilégié la dimension de progrès et d'avenir, semble se confondre avec l'immédiateté.

Le recul est indispensable au regard du créateur. Nous verrons que lorsque les maîtres accordent leur ijazé (un article paraîtra prochainement sur ce sujet) cette reconnaissance est accompagnée d'une charge, à savoir, la continuité et l'amélioration de ce qui a été reçu.

Les traditions, savoirs ancestraux, se transmettent au cours des siècles, jusqu'à nos jours, à travers tous les moyens anciens ou actuels de diffusion: imprimerie, informatique, etc.

Les traditions façonnent le disciple, de ses comportements les plus socialisés jusqu'au coeur de son intimité. Elles le fondent, lui donnent la parole, modèlent son identité et l'enrichissent, par l'apport des contemporains qui seront les fondations de leurs successeurs. Ce qui nous a été confié n'est chez nous qu'en depôt dont nous devons nous occuper.

Une histoire ou une tradition contemporaine peut devenir nouveauté plus tard. Par exemple, les recherches des trois grands maîtres de calligraphie de Bagdad (Ibn Muqla, Ibn Bawab et Al-Mustasimi) sont des améliorations dans la continuité, chacun d'eux en son domaine, sans rupture fortuite dans leurs recherches, sans rejet de l'apport du prédécesseur.

Ni la forme, ni les procédés ne peuvent entamer les progrès de cet art.

Le présent n'est que le témoignage du passé qui a été vécu et de l'avenir qui doit l'être.

On a pris l'habitude d'opposer tradition et modernité alors qu'elles conversent paisiblement, l'une cédant la place à l'autre car une partie de ce qui est "moderne" n'est-il pas destiné à accéder à la tradition? La modernité est intégrée dans la tradition: elles sont indispensables l'une à l'autre, de même que le jour à la nuit, l'Orient à l'Occident, etc. Elle n'a jamais connu une période qui n'a fait progresser les étapes de son avenir, sans pour autant les brûler.

Le temps qui suit la réalisation d'une oeuvre est un facteur accessoire puisqu'il ne joue un rôle actif qu'à la réception de celle-ci, étape décisive de sa vie, raison pour laquelle j'ai dit que le temps ne crée pas une oeuvre. La contemporanéité ne concerne pas seulement l'oeuvre elle-même, mais sa réception, même après plusieurs siècles.

Dans les plus grands moments de ma vie, lorsque je calligraphie, je travaille comme en un rêve, intégrant les âmes de mes maîtres et les prenant à témoin de mon travail actuel. Où sont donc le passé, le présent et le futur? Suis-je alors hors du temps; de même lorsque j'enseigne! Est-ce un secret? Est-ce une autre réalité? Salvador Dali, dans ses "Cinquante secrets pour bien peindre" écrit que la maîtrise technique n'est rien si on n'a pas un ange à côté de soi...ou comme disent les poètes Arabes des Mou'allaqât en appelant le génie poétique du nom de " Efrit de la poésie".

La refonte continuelle de la tradition qui s'actualise, et la modernité qui s'enracine profondément dans l'histoire concourent à l'actualisation d'une tradition.

Confrontation paisible de la tradition et de la modernité, le modernisme est la partie visible de ce bloc que constituent les traditions; il deviendra en partie tradition après que le temps aura fait son oeuvre d'affûtage. Le terme actuel semble plus facile à utiliser, que moderne chargé de sens trop conflictuels.

Une véritable tradition qui refuse le progrès est une mauvaise tradition, de même un prétendu progrès qui ne respecte pas la tradition est un faux progrès. Il y a toujours la tentation d'adopter une attitude simpliste et tranchée, soit rompre avec le passé en décriant les valeurs traditionnelles jugées inadaptées au monde actuel, soit tourner le dos au progrès en rejetant les découvertes qui bousculent un passé paradisiaque.

Dans un temps de recherche d'identité, nous sommes, comme l'aveugle et l'ignorant qui tentent de dssimuler leur imposture par des contrevérités éclatantes. Le déni du passé est grave par ses conséquences car chaque être humain s'inscrit dans une continuité dont il doit témoigner. On ne fait pas de progès à partir de rien, et le néant ne produit que le néant.

29 août 2015

Premier message à l'occasion de l'ouverture de mon blog

Bonjour,

Je suis Ghani Alani, héritier de l'Ecole de Calligraphie de Bagdad, selon l'ijazé reçu de mon maître Hashem el Baghdadi, en 1967, année de mon arivée en France.

Après avoir terminé mon doctorat de droit (1975), je suis retourné à ma passion: la calligraphie.

J'ai enseigné, créé de nombreuses oeuvres exposées dans toutes les grandes capitales du monde.

L'art de la calligraphie arabo-musulmane est la plus haute expression de la connaissance chez tous les orientaux (Arabes, Chinois, Japonais, etc.), art qui réunit dans l'unité les diverses facettes des savoirs humains. pour moi, la calligraphie est un art vivant, ouvert sur le présent, combinant la tradition et la modernité. Ne dit-on pas qu'il faut d'abord être un bon calligraphe pour être un bon poète?

J'ai écrit de nombreux articles et livres, devenus des références, pour tous ceux qui aiment à se perfectionner dans cet art.

 Je suis le lauréat du prix Unesco-Sharjah pour la culture arabe 2009, qui m'a été décerné "pour avoir fait découvrir à l'Occident l'art très riche de la calligraphie arabe".

Je suis ravi de partager avec ceux qui le souhaitent tout ce que j'ai reçu de mes maîtres. N'hésitez-pas à entrer en relation avec moi.

 

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